dimanche 18 novembre 2012

LECTURE : Les Folles de la nationale 4 d'Hervé Fuchs


Les Folles de la nationale 4 aurait pu porter un autre titre. Parce qu'il y a effectivement deux "folles", dans ce roman, mais combien d'autres personnages, d'autres histoires qui s'y accrochent, entrent en collision avec la leur... 



Tout commence effectivement au bord de cette nationale qui parcourt le nord-est de la France. Un bus en panne, des touristes obligés de marcher, et parmi eux, Joseph, venant d'Espagne, ayant rendez-vous à Strasbourg pour remettre un mystérieux paquet. Et nous voici projetés quelques semaines plus tôt, alors qu'il est garde du corps de Carlotta, fille du puissant De la Vega. Des hommes louches, déjà, le surveillent : les frères Bensoussan, qui jouent un rôle important dans ce roman.

Aventures en tout genre, courses poursuite à pied, en voiture, en moto..., séquestrations, revanche, drogue, relations fraternelles, amour lesbien, Elvis Presley qui meurt, un chef de gare émoustillé, du sexe, une planque d'activistes, un pasteur noir, un trafic d'armes, des bagarres à mains nues et des coups de feu... Vingt-huit chapitres trépidants, un récit agencé de main de maître avec de fréquents retours en arrière, un suspens maintenu jusqu'au bout. 

Beaucoup de qualités pour ce roman d'Hervé Fuchs à découvrir sous format numérique, via le site des éditions Edicool. Une bonne lecture, alors même que je ne goûte pas habituellement à ce type de livres.


vendredi 9 novembre 2012

LECTURE : Bruxelles midi, nouvelles


Onlit, maison d'édition numérique, a demandé à neuf auteurs belges, ainsi qu'à François Bon, d'écrire sur le thème « Bruxelles midi », la gare. Ce sont donc dix nouvelles que cette maison d'édition propose dans ce recueil téléchargeable gratuitement.



Dix nouvelles de qualité et d'intérêt variable. Impossible de lire certains textes, incompréhensibles lorsque l'auteur se place dans un sur-ajout stylistique qui plombe tout. A côté de cela, des lectures vives, rythmés, déroutantes... Le lecteur est bousculé : un rat, un achat de vélo, une perte de repère... La gare est un lieu de tous les passages, de toutes les histoires, un motif si vaste que les récits produits n'ont en définitive que ce seul point de repère. Bruxelles midi.

Cette odeur inventée du chocolat, Daniel Adam (bien)
Paroxysme de Véronique Bergen (impossible de la lire)
Elle n'existe pas, François Bon (excellente nouvelle, qui ne dit rien, où rien ne se passe et pourtant si envoûtante...)
Evidemment je n'ai rien vu, Frédéric Bourgeois (étrange!)
Alexandra, revue et corrigée de Patrick Delperdange (bien!)
Adagio en sol mineur de Christophe Ghislain (spéciale...)
Lubie Chick de Madeleine Hargan (bien!)
transacionencours d'Edgar Kosma (amusante)
Femme qui parle avec les genoux de Milady Renoir (impossible de la lire)
Dendermonde, aller simple de Régine Vandamme (bien)

mardi 30 octobre 2012

Extrait de La Mère Michel (recueil de nouvelles Entre ses cordes)

Il y a quinze jours paraissait le recueil de nouvelles érotiques Entre ses cordes auquel j'ai participé avec l'écriture d'un texte intitulé La Mère Michel.



Je vous propose la lecture des premiers paragraphes de ce texte :

Il s'échappait de sa maison des odeurs de pâté, de ripailles, de promesses d'un festin gargantuesque. Gamin, je humais l'air en me rendant à l'école. Pain fraîchement cuit qui croustille, effluves de croissants au beurre tout juste sortis du four, chocolats chauds et tartines de confiture. Le soir, des terrines, des tartes à l'abricot, des civets à faire chavirer papilles et estomac. Un univers aromatique qui m'alléchait.
Madame Denis avait un chat et se collait fréquemment contre sa fenêtre. Cela suffisait pour que nous la surnommions la mère Michel. Elle se fâchait en nous traitant de sales mioches, et c'était sans doute ce que nous étions...
La mère Michel n'avait alors qu'une trentaine d'années, était rose et fraîche. Sa solide charpente permettait des excès de table et ses rondeurs attestaient qu'elle se laissait griser par sa cuisine tout autant que ses convives. Je n'étais pas sans remarquer qu'elle recevait ainsi fréquemment des hommes. Pauvre benêt, j'imaginais des petits plats alignés, un invité goûtant chacun et se resservant à satiété, alors que c'étaient sans doute davantage les charmes de la grasse Madame Denis que ces hommes tâtaient de la fourchette.
Les quatre autres nouvelles ont été écrites par Christophe Collins, Martine Roffinella, Miss Kat et Ysalis K.S. L'ensemble du recueil peut se télécharger sur cette page (ou sur d'autres librairies numériques).

mercredi 17 octobre 2012

PUBLICATION : Entre ses cordes, nouvelles érotiques

Le livre numérique Entre ses cordes vient de paraître aux éditions Dominique Leroy, dans la collection e-ros D/s. Cinq nouvelles érotiques le composent, dont la mienne, La Mère Michel.




La notice de ce livre, sur le site de la maison d'édition :

Cinq personnages imaginés par cinq auteurs se soumettent à une inconnue, à leur partenaire ou à une personne qui exerce une fascinante autorité, et se retrouvent liés, entre leurs cordes...
Entre ses cordes contient les nouvelles suivantes : K.O. Technique de Christophe Collins : Un homme rejoint son entraîneuse sur un ring pour un combat hors-norme.
Chienne de traîneau de Martine Roffinella : La neige recouvre la plage. Elle imagine son corps ramper sur cette surface blanche où sailliraient des objets tranchants.
La Mère Michel de Jean-Philippe Ubernois : Un jeune homme épie les étranges jeux d'une femme de son village, entre répulsion et attraction.
Créer des liens de Miss Kat : Un site de rencontres les réunit. « Avant que tu ne m’attaches, puis-je finir mon café ? » lui demande-t-elle d'un ton dégagé...
Attachante provocation d'Ysalis KS : La Saint-Valentin est l'occasion pour une femme d'offrir certains accessoires, comme une demande muette adressée à son partenaire.
Collection e-ros D/s, des récits de Domination et de soumission, échanges de pouvoir érotique. Des auteurs novices ou plus confirmés, tous amateurs d’érotisme, se donnent rendez-vous dans cette collection dynamique : des textes inédits adaptés à des lectures d’aujourd’hui, à parcourir avec délectation sur l'écran de votre ordinateur et de vos smartphones, tablettes et autres liseuses.Nouvelles numériques (eBook à télécharger), 39 pages, couverture en couleurs par Jahyra.


Pour rappel, ma précédente publication, Le Candauliste, est toujours en vente au prix de 1,49€ sur le même site et dans plusieurs librairies numériques.

mardi 9 octobre 2012

LECTURE : Après le capitalisme, éléments d'économie participaliste de Michael Albert


Dommage, ai-je envie d'écrire. 
Une introduction brillante de Thierry Discepolo où j'ai retrouvé notamment des extraits d'un livre précédemment lu, De notre soumission involontaire d'Alain Accardo (également publié dans la collection Contre-feux des éditions Agone), mais un livre assez décevant au final, malgré un titre accrocheur, et peut-être justement à cause de ce titre qui en faisait espérer trop. Après le capitalisme est ainsi composé de parties explicatives relayées par un faux dialogue où l'auteur s'expose à des questions qui visent à ébranler ou clarifier le propos. La forme n'est pas très agréable à lire.


Après le capitalisme, qu'est-il possible de mettre en place, quelle serait l'alternative ? Ce sont des explications concrètes sur le travail, le salaire, l'organisation sociale, etc. qui sont proposées, avec cette notion de « participalisme ». En somme, le propos pourrait se résumer, ainsi qu'il l'est fait page 171 en ces termes :
L'économie participaliste consiste en un ensemble d'institutions qui assure la production, la consommation et la répartition en satisfaisant les besoins et en permettant l'épanouissement de chacun ; elle encourage l'équité, la solidarité, le respect des différences et l'autogestion ; elle repose sur des conseils démocratiques, fonde la rémunération sur l'effort et le sacrifice, organise la division du travail sur la base d'ensembles équilibrés de tâches, assure la répartition par la planification participaliste. Elle constitue une réponse à la question suivante : si vous ne voulez pas du capitalisme, que voulez-vous à la place ?
Une réponse, peut-être pas celle que j'adopterais en tout cas, même si certains points sont loin d'être inintéressants. Je pense que la forme même du livre m'a en réalité indisposé, et pourtant je savais qu'il serait ainsi organisé. Un manque de références sans doute aussi. Peut-être le fait que l'auteur soit Américain, de fait le propos semble un peu lointain. Une petite déception donc. Mais la préface est à relire sans aucun doute (et elle est disponible ici : http://atheles.org/lyber_pdf/lyber_398.pdf)

samedi 29 septembre 2012

LECTURE : La démocratie, Histoire d'une idéologie de Luciano Canfora


Aux éditions du Seuil, dans la collection « faire l'Europe » dirigée par Jacques Le Goff, sont publiés des essais, que plusieurs maisons d'édition européennes publient simultanément. Ladémocratie, histoire d'une idéologie a été écrite par un auteur italien, Luciano Canfora, également auteur, toujours sur le thème de la démocratie, de L'Imposture démocratique (aux éditions Flammarion).



La démocratie, histoire d'une idéologie, est un volume imposant : plus de 450 pages, largement annoté, complété par un bibliographie et un index des noms. Il s'agit d'un panorama historique, de la Grèce ancienne à l'époque contemporaine (jusqu'au XXe siècle de l'après-guerre globalement, mais plusieurs références sont données à des faits produits ou des acteurs du XXIe siècle), couvrant de nombreux pays européens mais faisant aussi des incursions dans la situation américaine. Il s'agit surtout d'une lecture critique de l'histoire d'un concept, de son évolution, des sens que le terme a pu prendre selon les périodes, selon son utilisation en exposant les conditions de son existence ou de sa non-existence, car rien n'est plus fourbe que ce terme...
Mais l'un des principaux instruments du « monde libre » triomphant est précisément sa capacité à créer, dévoiler ou dissiper la réalité à travers la machine parfaitement huilée de l'information. Ce n'est, certes, qu'une « technique » mais c'est peut-être précisément à cause des techniques que des mots « absolus » et, à la rigueur vides de sens tels que « liberté » et « démocratie » ont adopté la forme et revêtu les significations qu'ils ont aujourd'hui à nos yeux. (p. 424)
Pour aller plus loin : 
À propos de la « démocratie », une conférence regardée récemment d'Étienne Chouard, professeur d'Économie intitulée "Enjeux pour le peuple du contrôle public de l'État et de la banque". Le mot démocratie n'apparaît pas dans l'intitulé de la conférence, mais il est essentiellement question de démocratie... Et une référence d'ouvrage donnée à la fin : Principes du gouvernement représentatif de Bernard Manin (en cours de réédition, disponible à partir du mois d'octobre). Une de mes prochaines lectures sans aucun doute.

lundi 24 septembre 2012

LECTURE : Ni Dieu ni Maître – Anthologie de l'anarchisme de Danier Guérin


Nouvelle édition en un seul volume de cette somme proposée par les éditions La Découverte


Plus de 700 pages dans un petit format, un livre compact, et une très bonne introduction il me semble : le but étant de m'informer sur l'anarchisme, j'y ai trouvé mon compte. Cela fait quelques mois à présent que le livre me suit, que je le lis méthodiquement du début à la fin, entrecoupant cette lecture par d'autres lectures ou complémentaires (d'où La morale anarchiste de Kropotkine par exemple) ou totalement différentes. J'ai donc avancé doucement à travers cette masse de pages.
Ni Dieu ni Maître est un panorama historique (du XIXe siècle à la guerre d'Espagne) à travers quelques grands événements mais surtout des personnalités sur lesquelles Daniel Guérin nous propose soit quelques lignes de son cru, soit des passages autobiographiques ou biographiques, et surtout des textes qui leur sont propres : extraits de livres, de discours, de lettres...
Je ne vais pas résumer ce livre, c'est impossible. Simplement dire qu'il m'ouvre des pistes vers d'autres lectures : Carlo Cafiero dont il est rapidement fait mention, James Guillaume dont certaines pages m'avaient frappé. Et peut-être lire davantage Bakounine.  

Pour poursuivre les lectures, quelques sites : http://fra.anarchopedia.org/index.php/Accueil ou encore http://www.drapeaunoir.org

lundi 17 septembre 2012

LECTURE : La morale anarchiste de Pierre Kropotkine


La morale anarchiste de Pierre Kropotkine, texte publié en 1889, est libre de droit. On le trouve donc en lecture libre sur Internet : http://fr.wikisource.org/wiki/Livre:Kropotkine_-_La_Morale_anarchiste.djvu


«  Les coutumes soi-disant morales ne sont qu’un masque hypocrite ». 
Pourquoi être moral, interroge Kropotkine : tout d'abord, les actions humaines dépendent du plaisir que chacun en retire et de la peine que chacun évite. Kropotkine utilise fréquemment le monde animal pour comprendre les comportements humains : 
«  Le monde animal en général, depuis l’insecte jusqu’à l’homme, sait parfaitement ce qui est bien et ce qui est mal, sans consulter pour cela ni la bible ni la philosophie. Et s’il en est ainsi, la cause en est encore dans les besoins de leur nature : dans la préservation de la race et, partant, dans la plus grande somme possible de bonheur pour chaque individu. » 
La différence entre bien et mal vient de cette interrogation : « Est-ce utile à la société ? Alors c’est bon. — Est-ce nuisible ? Alors c’est mauvais. » L'origine du sentiment moral a été identifié par Adam Smith. Il s'agit du sentiment de sympathie. 
« Plus votre imagination est puissante, mieux vous pourrez vous imaginer ce que sent un être que l’on fait souffrir ; et plus intense, plus délicat sera votre sentiment moral. Plus vous êtes entraîné à vous substituer à cet autre individu, et plus vous ressentirez le mal qu’on lui fait, l’injure qui lui a été adressée, l’injustice dont il a été victime — et plus vous serez poussé à agir pour empêcher le mal, l’injure ou l’injustice. Et plus vous serez habitué, par les circonstances, par ceux qui vous entourent, ou par l’intensité de votre propre pensée et de votre propre imagination à agir dans le sens où votre pensée et votre imagination vous poussent — plus ce sentiment moral grandira en vous, plus il deviendra habitude. » 
Thème cher à Kropotkine, développé dans L'Entraide, la solidarité est un fondement social bien plus important que la lutte pour la survie via une « loi de la jungle » : 
« N’en déplaise aux vulgarisateurs de Darwin, ignorant chez lui tout ce qu’il n’avait pas emprunté à Malthus, le sentiment de solidarité est le trait prédominant de la vie de tous les animaux qui vivent en sociétés. […] En toute société animale, la solidarité est une loi (un fait général) de la nature, infiniment plus importante que cette lutte pour l’existence dont les bourgeois nous chantent la vertu sur tous les refrains, afin de mieux nous abrutir. » 
Ce sentiment moral n'a que faire de la loi, du juge, du prêtre. Telle est donc la morale anarchiste : 
« En nous déclarant anarchistes, nous proclamons d’avance que nous renonçons à traiter les autres comme nous ne voudrions pas être traités par eux ; que nous ne tolérerons plus l’inégalité qui permettrait à quelques-uns d’entre nous d’exercer leur force, ou leur ruse, ou leur habileté, d’une façon qui nous déplairait à nous-mêmes. Mais l’égalité en tout — synonyme d’équité — c’est l’anarchie même. » 
Le comportement moral fait partie de notre habitude de vie. 
« Le principe égalitaire résume les enseignements des moralistes. Mais il contient aussi quelque chose de plus. Et ce quelque chose est le respect de l’individu. En proclamant notre morale égalitaire et anarchiste, nous refusons de nous arroger le droit que les moralistes ont toujours prétendu exercer — celui de mutiler l’individu au nom d’un certain idéal qu’ils croyaient bon. Nous ne reconnaissons ce droit à personne ; nous n’en voulons pas pour nous. » 
Kropotkine emprunte alors quelques propos à Guyau. La fin du texte nous conduit à un idéal de vie, les phrases sont alors pleines d'emphase, lyriques, percutantes, condensées en formules brèves : 
« Pouvoir agir, c’est devoir agir. », 

« la vie ne peut se maintenir qu’à condition de se répandre. »
« Sois fort ! Déborde d’énergie passionnelle et intellectuelle — et tu déverseras sur les autres ton intelligence, ton amour, ta force d’action ! — Voilà à quoi se réduit tout l’enseignement moral, dépouillé des hypocrisies de l’ascétisme oriental. » 
Il s'agit d'une exhortation à choisir une vie morale, c'est-à-dire vivante, tournée vers le bien d'autrui qui ne peut être indépendante de son propre bien (d'où une fausse distinction entre égoïsme et altruisme, aucun ne va sans l'autre). 
« La lutte c’est la vie d’autant plus intense que la lutte sera plus vive. Et alors tu auras vécu, et pour quelques heures de cette vie tu ne donneras pas des années de végétation dans la pourriture du marais. Lutte pour permettre à tous de vivre de cette vie riche et débordante, et sois sûr que tu retrouveras dans cette lutte des joies si grande que tu n’en trouverais pas de pareilles dans aucune autre activité. C’est tout ce que peut te dire la science de la morale. À toi de choisir. » 
Ainsi se conclut ce texte.

LECTURE : De notre servitude involontaire d'Alain Accardo


Publié aux éditions Agone, dans la collection contre-feux, De notre servitude involontaire –Lettre à mes camarades de gauche est une réflexion d'Alain Accardo, qui concerne tous ceux qu'il nomme, en début comme en conclusion du texte, ses « camarades de gauche » qu'il exhorte de réfléchir avec lui :
Il faut aussi que nous éprouvions un réel désir de changer les choses et donc que nos aspirations spirituelles l'emportent sur nos intérêts matériels et mondains. Mais n'est-ce pas là, chers amis, amies et camarades de gauche, le fondement même de notre identité et le ciment de notre parenté ? (p. 94)

La réflexion porte sur l'emprise de l'économie de marché, du capitalisme comme mode d'organisation économique et social, sur notre propre vie. On peut combattre des formes objectives du capitalisme, mais il convient aussi de lutter contre ce qui a grandi en nous, ce qui est insidieux car fait partie de nous (et nous n'en sommes pas nécessairement conscients, d'où l'adjectif choisi dans le titre, « involontaire », contrairement à celui utilisé par La Boëtie) : notre vie elle-même est régentée par un esprit fort éloigné de ce refus du capitalisme.
Rares sont ceux qui s'avisent que si on se borne à s'emparer des leviers du pouvoir économique et politique, le système aura tôt fait de se reconstituer à partir de sa dimension interne, de sa réalité subjective, c'est-à-dire de la force qu'il conserve dans les têtes et dans les cœurs qu'il a durablement façonnés. (p. 18)
La réflexion est construite comme une promenade, l'auteur s'arrête sur des thèmes annexes, comme le travestissement du vocabulaire ("le nouvel « esprit du capitalisme, son apologie de la force, du fric et de la frime, transfigurée en culte de l' « efficacité », de la « créativité », de la « souplesse », etc." (p. 54) ou encore le terme de « gauche » totalement galvaudé par l'utilisation de ce terme par des socio-libéraux), l'imposture démocratique, les avancées sociales qui sont certes un bien mais qui sont concédées par le système capitaliste car celles-ci ne peuvent de toute manière pas le faire chanceler,...
Avant de revenir au thème principal, la réalité subjective du capitalisme :
Ce qui est en cause, c'est plutôt l'ensemble de notre style de vie et de notre éthos, c'est-à-dire du rapport existentiel que nous avons forgé avec le monde qui nous entoure, avec les autres et avec nous-mêmes : rapport à l'argent et à la propriété, au travail et au loisir, au temps et à l'âge, au corps propre, à la santé, au sexe, à la reproduction, à l'éducation, à la culture, à l'art, à la science, à la morale et à la religion, etc. qui est fondamentalement conditionné par notre appartenance au système et la place que nous y occupons. (pp. 79-80).
C'est un point de vue lucide qui n'épargne personne, une lecture très courte mais captivante en plus d'être parfaitement claire, qui pourrait manquer de "directive"  concrète ou plutôt de l'explication d'une ligne de conduite pour agir, mais c'est à chacun de réagir à titre personnel.

jeudi 13 septembre 2012

LECTURE : L' « évidence » du discours néolibéral de Thierry Guilbert


En théorie, la démocratie se fonde sur un pouvoir politique, un contre-pouvoir médiatique et l'opinion publique. Ce livre, L' « évidence » du discours néolibéral – Analyse dans la presse écrite de Thierry Guilbert, (éditions du croquant, collection savoir/agir) analyse linguistique les éditoriaux de journaux nationaux écrits lors de moments de crises (lors du CPE, lors de réformes des retraites...), tend à montrer que ce « contre-pouvoir » sert en réalité le même discours néolibéral, s'aligne sur les discours politiques propres à l'économie de marché, déforme et forme l'opinion publique par des stratégies langagières. 



L'éditorialiste n'use pas de propagande (c'est le propre d'un régime tyrannique!) : la manipulation du langage se fait en dissimulant ses buts, le discours semble cohérent, d'une telle évidence et il ne reste plus au lecteur qu'à acquiescer. Le discours néolibéral est considéré nécessairement comme le bon sens. En somme, tout ce qui viendrait s'y opposer ne serait que foutaise.
Pour contrer cette pseudo-évidence du discours, d'où les guillemets bien sûr dans le titre (guillemets qui n'apparaissent pas sur la couverture telle qu'elle apparaît ici et que je reproduis, mais qui sont bien réels sur le livre que j'ai devant moi), l'auteur examine les stratégies langagières.

Utilisation d'un « sacré montré », de la rationalité, de la nominalisation à défaut d'une phrase sujet-verbe-complément plus facilement réfutable car on pourrait alors y placer une négation, la façon de nommer les acteurs du conflit, l'utilisation des sondages d'opinion (et leur rédaction orientée), l'utilisation d'une opinion virtuelle, la constitution d'opinions partagées (« tout le monde » sait que, « chacun » pense que...) fabriquées de toute pièce mais qu'on ne peut contredire car elles font appel au bon sens, utilisent des clichés, des proverbes..., le cadre qui présente les événements qui sont les faits d'une réalisation humaine comme si ceux-ci venaient de la nature, comme si rien ne pouvait les modifier (métaphores météorologiques, utilisation du passif..), la comparaison à d'autres (notamment les autres pays d'Europe, jouant sur l'affect car la France serait alors la dernière, une « exception française » qui menace l'équilibre, qui est le fait de la mauvaise humeur essentialiste, propres au caractère du Français qui râle sans raison, si ce n'est parce que le fait de vouloir râler serait dans ses gênes) , la réduction du conflit à un combat de chefs avec personnes nommées, la persuasion au lieu de l'argumentation grâce à l'utilisation de figures stylistiques, d'amalgame sous couvert d'énumération ou de création d'un faux-choix, question rhétorique...

Extraits de la conclusion de l'ouvrage :
Le véritable en jeu de cette forme de présentation médiatique du discours néolibéral est donc de parvenir à imposer dans les esprits l'impossibilité de contester les « réformes », l'impossibilité de penser une alternative à la doctrine néolibérale, c'est-à-dire imposer son incontestabilité ou, plus simplement, son « évidence ». (p. 131)
Nos « dirigeants » ont fini par croire en l'évidence du discours libéral : pour eux, ce discours ne représente pas la réalité, il est la réalité.  (p. 133)

mardi 11 septembre 2012

LECTURE : Ne pas perdre sa vie à la gagner – Pour un revenu de citoyenneté de Baptiste Mylondo


Publié aux éditions Homnisphères en 2008, Ne pas perdre sa vie à la gagner a été réédité aux éditions du Croquant en 2010 avec quelques mises à jour. La quatrième de couverture est en grande partie extraite de la conclusion de l'ouvrage.



Le livre est organisé en deux parties qui correspondent l'une au titre, l'autre au sous-titre. Ainsi nous trouvons : livre I : abolir le culte du travail, livre II : garantir le revenu. Si la lecture de la première partie est fluide, on ne peut pas en dire autant de la deuxième partie qui sert notamment des calculs permettant de justifier la possibilité de verser un revenu de citoyenneté à chacun.

Après la préface de Paul Ariès, une citation de Robert Louis Stevenson (de Une apologie des oisifs) qu'il me plaît de reprendre ici : 
« Cette prétendue oisiveté, qui ne consiste pas à ne rien faire, mais à faire beaucoup de choses qui échappent au dogme de la classe dominante, a tout autant voix au chapitre que le travail. »

Car le travail est confondu avec le travail salarié, avec l'aura que prend ce travail salarié puisque certains y ont accès alors que d'autres ne le peuvent pas, pour la valeur qu'il prend comme élément de socialisation, comme signe de respectabilité. Un effort de définition s'impose. Le travail est polysémique, il se trouve agrégé à des valeurs, il est sacralisé. Il convient de détruire cette agrégation de sens, ce qui entrave notre vision de ce qu'il est réellement (labeur, activité pénible) pour mieux lutter contre son extension. Le travail pourrit notre vie.
La vision du travail évolue, il est devoir, il est preuve de civilisation par rapport à la paresse du sauvage. Alors que chacun travaillait pour gagner de quoi vivre et ne cherchait pas à en faire davantage, les entrepreneurs (nous sommes alors au XIXe siècle) contraignent les travailleurs à l'assiduité, à une contrainte horaire, à la ponctualité, à la concentration sur sa tâche... Mais pourquoi travailler plus que nécessaire ? Inciter à la consommation devient une solution : 
« c'est sur leur relative frugalité comme consommateurs qu'il faut agir pour les inciter au travail. En clair, il faut inciter les ouvriers à consommer plus que de raison, pour les inciter à travailler plus que de raison... » 
Publicité et satisfaction de besoins en les créant, satisfaction du besoin de reconnaissance sociale par le biais d'objets de consommation.
Alors que les politiques pour l'emploi s'enchaînent, que le chômage ne diminue pas pour autant, ne faudrait-il pas s'interroger sur l'impasse de cette volonté que chacun ait un emploi ? Si le chômage, en tant qu'oisiveté, est la mère de tous les vices, le plein-emploi serait le remède. Mais avec les avancées techniques (et donc le besoin moindre de main-d'oeuvre), avec les délocalisations à échelle mondiale, il ne peut y avoir que moins de travail. Le problème du chômage n'est pas l'emploi mais la désacralisation du travail, l'existence hors du travail. 
« Au final, c'est moins le travail en tant que tel qui est en cause dans les ravages du chômage, que la vision que l'on en a aujourd'hui. Ce travail sacralisé dont on ne cesse de vanter les mérites et de louer les bienfaits. Ce travail considéré comme centre de la vie de l'individu et pilier de la société. » (p. 42)
« Si l'on remet en cause ce qui n'est en fait qu'une construction historique récente, on change aussi la condition du chômeur. Délesté de cette « valeur travail » au poids social trop écrasant, le chômeur peut parfaitement s'épanouir et trouver sa place au sein de la société à travers d'autres activités, hors du travail. Dès lors, la question même du chômage n'a plus lieu d'être, la dictature du Travail s'effaçant derrière la revalorisation de ces activités alternatives. » (p. 43)
Sous-titre de la partie « contre le culte du travail » : « un travail inutile pour une consommation futile ». Trop de travail pour trop de production et trop de consommation, et trop de consommation entraînent la nécessité de gagner plus d'argent et donc de travailler davantage. Si l'on travaillait moins, on consommerait moins et si on consommait moins, on travaillerait moins.
Or, le culte du travail est en réalité un culte du travail à plein temps.
« S'il n'était ce culte du travail, continuerions-nous à turbiner de la sorte, quitte à revoir à la baisse nos habitudes de consommation ? » (p. 47)
Traduire en heures de travail le prix d'une voiture est édifiant. Et quand on pense que la voiture, qui peut coûter trois mois de salaire par an, sert principalement à se rendre à son travail... La conclusion s'impose : on marche sur sa tête. (L'exemple de la voiture se trouve p. 47)
Et finalement, si on pouvait vivre, percevoir un salaire sans avoir obligation de travailler ? 
« On objectera sans doute que la mise en place d'un revenu déconnecté du travail expose à un risque certain de désertion du marché du travail... Certes, et pour cause, dans une certaine mesure c'est précisément l'effet recherché ! » (p. 49) 
Il ne s'agit pas d'une « ode à la paresse mais plutôt d'un éloge du temps libre et de la libre occupation de chacun » (p. 52)

Arrivé à la deuxième partie, je trouve le livre moins intéressant. L'auteur y justifie le revenu de citoyenneté, explique qu'il est sensé, doit toucher chacun, individuellement, sans contrepartie, quelle que soit l'activité choisie car il n'y a pas d'inutile au monde, il permet de réduire des inégalités, abolit la contrainte du travail mais préserve l'incitation car celui qui veut plus d'argent que ce revenu de citoyenneté qui lui permettrait de vivre sans extra pourrait toujours, s'il le souhaite, travailler à temps partiel ou à temps plein, selon ses envies, et les travaux pénibles seraient encouragés par une revalorisation salariale importante. Suivent des calculs : des prestations sociales seraient maintenues, d'autres disparaîtraient dans le revenu de citoyenneté, le coût de ce revenu nécessiterait l'augmentation de la csg, etc.


lundi 3 septembre 2012

LECTURE : De la servitude moderne de Jean-François Brient


Il s'agit à la fois d'une vidéo de 52 minutes et d'un texte écrit par Jean-François Brient en 2007 diffusé librement sur Internet (lecture sur le site http://delaservitudemoderne.org ou téléchargement en pdf). Le documentaire vidéo est une lecture du livre De la servitude moderne, accompagnée d'images détournées, essentiellement extraites de films. Il a été amusant par la suite de retrouver l'un de ces films dans son contexte original : Invasion Los Angeles, un navet dont la seule scène intéressante hormis la fin comique est celle présentée dans le documentaire De la servitude moderne.
« L’objectif central de ce film est de mettre à jour la condition de l’esclave moderne dans le cadre du système totalitaire marchand et de rendre visible les formes de mystification qui occultent cette condition servile. Il a été fait dans le seul but d’attaquer frontalement l’organisation dominante du monde. »


Il y a quelques mois, je lisais un roman, il y était question d'anarchisme, dans une acception que je ne comprenais pas. Stupidement, j'en étais resté à cette définition truquée de l'anarchisme comme chaos, j'ai donc entrepris de me documenter : la lecture de L'ordre moins le pouvoir deNormand Baillargeon en témoigne. Je poursuis actuellement avec l'épaisse anthologie de Daniel Guérin, Ni Dieu ni maître. Mais auparavant, j'avais tout simplement lu ce qu'en disait Wikipédia. Un article long, rempli de références diverses à ne plus savoir où aller et que lire... Sauf, en fin d'article, un lien vers ce texte, De la servitude moderne, que j'ai donc lu en tout premier lieu. 
Si je n'ai pas évoqué cette lecture précédemment, c'est parce qu'il a fallu la digérer, lire autre chose qui me permette de rétablir un équilibre. Comment peut-on vivre lorsque l'on écrit un tel texte ? me suis-je alors demandé. De la servitude moderne m'a rendu malade. Mais c'est un texte que je garderai à l'esprit et vers lequel je compte retourner, parce que sa concision et sa précision ressemblent à la sonnerie d'un réveil : De la servitude moderne me sort de la torpeur.
« Quant à ceux qui trouveront à redire sur cette œuvre en tant qu’elle ne serait pas assez révolutionnaire ou bien trop radicale ou encore pessimiste n’ont qu’à proposer leur propre vision du monde dans lequel nous vivons. » 
Pessimiste, cette œuvre l'est à un point tel qu'il m'a semblé après sa première lecture qu'il ne nous reste plus qu'à nous jeter par la fenêtre. « Le pouvoir n'est pas à conquérir, il est à détruire », selon la formule utilisée en fin de livre, mais ma lecture était tellement démoralisante que c'était plutôt vers une destruction personnelle qu'elle menait.

Les chapitres égrènent tous les aspects de la vie où nous sommes esclaves. C'est une longue énumération, puisque tout nous asservit. Des phrases courtes comme des sentences. Certains thèmes ont eu une résonance particulière pour moi : l'habitat (au vu de la dégradation des lieux, de l'urbanisation à outrance près de chez moi qui me répugne) l'alimentation, le travail, la consommation et surconsommation. Et la « démocratie », le vote comme illusion de choix : 
« [Le pouvoir] est tyrannique par nature, qu’il soit exercé par un roi, un dictateur ou un président élu. La seule différence dans le cas de la « démocratie » parlementaire, c’est que les esclaves ont l’illusion de choisir eux-mêmes le maitre qu’ils devront servir. Le vote a fait d’eux les complices de la tyrannie qui les opprime. Ils ne sont pas esclaves parce qu’il existe des maîtres mais il existe des maîtres parce qu’ils ont choisi de demeurer esclaves. » 
J'ai lu ce texte juste avant les élections présidentielles. J'avais en tête l'idée du vote comme droit, mieux (ou pire) même, comme devoir !, De la servitude moderne m'a perturbé au moment de placer un bulletin dans l'urne, c'est le moins que je puisse dire.

En somme, c'est un livre très pessimiste, car l'accumulation n'est contrebalancée que par un maigre chapitre (le XIXe, intitulé « perspectives »), seule petite lumière au fond du tunnel dont je cite l'élément essentiel : 
« L’autogestion dans les entreprises et la démocratie directe à l’échelle des communes constituent les bases de cette nouvelle organisation qui doit être antihiérarchique dans la forme comme dans le contenu. » 
Une phrase pour répondre à tout ce qui précède, c'est peu. Mais c'est aussi un livre-déclencheur. Après l'avoir lu, on ne peut je pense pas rester le même. Et d'autres lectures sont là pour élargir le tunnel.


LECTURE : L'Aventure de Nathalie de Thomas Galley


L'Aventure de Nathalie de Thomas Galley, aux éditions Kirographaires, est l'histoire si classique d'une rencontre entre un homme et une femme, de deux êtres amoureux dont la relation s'est préalablement tissée via Internet, et autres moyens de communication. La rencontre a lieu à Paris, par commodité car l'un, Stefan, vit en Allemagne et l'autre, Nathalie, à Montpellier, mais aussi pour la magie des lieux : Orsay, le Louvre, le Quartier Latin, Notre-Dame... L'avertissement de l'auteur mentionne l'ancrage très classique de ce « boy meets girl » tout en soulignant qu'il ne s'agit pas d'une rencontre platonique : « si vous êtes facilement embarassé(e)s par les désirs de la chair, un conseil avant de pousser plus loin : abstenez-vous ! » Roman d'amour, roman sentimental, L'Aventure de Nathalie comprend en effet plusieurs scènes érotiques.



Cette histoire d'amour est enveloppée, il s'agit d'un récit dans le récit. Un principe d'écriture classique : c'est Nathalie, trente ans plus tard, qui au détour d'une rencontre avec Michael à Notre-Dame, narre son passé. Les six dernières pages du roman qui en comporte un peu plus de trois cents sont un retour au café où Nathalie avait entrepris de raconter cette parenthèse amoureuse, à la demande de Michael : « Madame, si cela ne vous dérange pas, fit-il, j'aimerais entendre votre histoire. » (p. 29). Curieusement, le récit n'est pas écrit à la première personne comme on aurait pu s'y attendre, mais à la troisième personne.

De la rencontre à la tragique séparation. Tout le roman se concentre en quelques jours seulement où deux êtres se découvrent physiquement, s'émerveillent l'un de l'autre, interagissent avec leur environnement (et cet environnement fait une large place à l'art, qu'il s'agisse de musique, de peinture, d'architecture...), où de nouvelles facettes de l'autre sont révélées : leur fragilité, leurs expériences passées qui entrent en collision avec les événements présents (se déroule notamment dans l'esprit de Stefan le film d'un ancien amour, et cette vision est vécue avec une acuité telle qu'elle bouleverse le personnage). C'est un amour fou qui se vit dans l'instant. Des interrogations planent en effet sur l'avenir commun, car d'autres personnes, d'autres vies existent (une femme en Allemagne, une fille à Montpellier), la nécessité de l'indépendance et des peurs interfèrent aussi...

Je n'ai pas aimé L'Aventure de Nathalie, car je n'ai pas réussi à adhérer à sa minutieuse lenteur, due aux descriptions très travaillées qui détaillent la moindre action, la moindre perception sensorielle. Un tempo extrêmement lent qui ne me convient pas.

jeudi 23 août 2012

ÉCRITURE : reprise de la nouvelle Ghislain et l'Internet

Écrite pour un concours proposé par le site "We love words" et les éditions La Musardine, Ghislain et l'Internet est une nouvelle plus ou moins érotique - tout dépend bien entendu de la définition que l'on donne à ce terme ! - que j'ai voulu composer comme une plaisanterie. Un agriculteur célibataire découvre l'Internet et les sites de sexe... Ambiance campagnarde telle que l'on peut la ressentir quand on a vécu dans un petit village !

La nouvelle n'a pas été retenue pour le thème "sexe et Internet" mais j'aime bien ce texte, je me suis amusé à l'écrire et autant en faire quelque chose. J'ai donc repris le processus d'écriture, ai corrigé, continue de corriger cette nouvelle après l'avoir supprimée du site "We love words" car la première version comportait trop d'erreurs - ne serait-ce que de temps verbaux ! 

Je placerai cette nouvelle, ainsi modifiée, dans quelque temps en téléchargement sur ce weblog ou ailleurs.

mercredi 22 août 2012

LECTURE : Recherches de fuite de Martine Roffinella


Recherches de fuite est un recueil de sept nouvelles publiées en 2009 aux éditions Jean Paul Bayol, neuvième livre, est-il précisé en quatrième de couverture, de Martine Roffinella. 



Le chiffre 7 n'est probablement pas fortuit. J'imagine qu'il correspondrait aux jours d'une semaine, se rapporterait ainsi au quotidien et à la marche monotone du temps, car ces nouvelles sont des parcelles de vie tel qu'on pourrait les observer, les entendre en collant son oreille au mur de ses voisins. 
"Parcelles de vie" est encore un terme trop vaste, ce sont d'infimes lamelles, coupées au scalpel : tout commence bien souvent par un détail, un élément très anecdotique qui resterait tel s'il ne se trouvait enchaîné à d'autres événements, aux réflexions d'un personnage, s'il n'entrait pas en collusion avec d'autres facteurs qui gonflent alors le propos et construisent une trame dramatique. 
Une ride, quelques grammes de trop, un lézard entraperçu ou imaginé, une boutade... Ces nouvelles ont toutes un petit grain de poussière qui fait dérailler le roulement mécanique des jours. Plus les personnages s'enferment dans un univers de quelques pas autour de leur rue, dans une portion délimitée de Montmartre, plus ils s'enferment dans leurs habitudes, leurs manies – qu'il s'agisse de l'expression française irréprochable ou de petites gourmandises achetées chez tel commerçant – et plus ces personnages se trouvent entraînés, à la déroute, quand cède un repère familier.
Une écriture minutieuse et une lecture divertissante.

Le recueil est constitué des nouvelles (nommées « Histoires ») suivantes :
Histoire 1: Garanti trente ans
Histoire 2 : Recherches de fuite
Histoire 3 : Les petites joies
Histoire 4 : Lola
Histoire 5 : Héritage sous vidéo
Histoire 6 : Ça sera toi
Histoire 7 : Pas encore mort ?

mardi 21 août 2012

LECTURE : Éloge de la faiblesse d'Alexandre Jollien


Livre à mi-chemin entre le témoignage et la réflexion, Éloge de la faiblesse a d'abord été publié aux éditions du Cerf et se trouve actuellement aux éditions Marabout à un prix léger.  Le livre a obtenu le Prix Mottart et le prix Montyon de l’Académie Française.

Le contenu oscille entre cette légèreté (écrit de moins de cent pages, sous forme de dialogue, propos qui ne font qu'effleurer certaines problématiques) et une relative gravité (le personnage de Socrate est l'accoucheur des consciences et ne laisse pas le personnage d'Alexandre se contenter d'un propos trop évasif, gravité d'une situation racontée : le handicap au milieu d'autres enfants du « Centre », qu'ils soient eux-mêmes handicapés, qu'il s'agisse d'éducateurs ou de camarades de classe lorsqu'Alexandre reprend une scolarité classique.)



Je retiens de ce livre l'idée et la force d'une amitié spontanée entre des enfants de handicaps divers.
Une fois, il me lança, de sa voix éteinte, dans un effort surhumain un « Çaa bva ? »

La pensée que Jérôme, paralysé au fond de son lit, s'inquiétait de mes infimes soucis me bouleverse encore aujourd'hui. (p. 38)
C'est un des plus beaux passages du livre...

Les thèmes de l'amitié, de la différence, du normal et de l'anormal sont évoqués, mais quelle idée en retient-on ? J'ai l'impression d'avoir survolé le livre, de ne m'être jamais arrêté. Le personnage de Socrate oriente le lecteur vers une attente de développements réflexifs plus intenses qu'ils ne le sont. Il vaut mieux prendre ce livre dès le départ pour le témoignage d'une vie particulière, avec des questions posées sur le travail d'un éducateur, sur son rôle face à un enfant handicapé, sur la nécessaire adaptation de chacun à son environnement.  

mercredi 1 août 2012

PUBLICATION : lot d'e-books érotiques de la collection e-ros

Parmi les livres numériques du "pack découverte Sans-Nichon" proposé par la collection e-ros des éditions Dominique Leroy figure la nouvelle que j'ai écrite, Le Candauliste


Le titre se trouve associé à cinq autres e-books (ainsi qu'à un livre-audio) du 10 août au 30 août dans ce pack découverte à prix réduit, à télécharger sur http://dominiqueleroy.izibookstore.com/produit/137/


dimanche 29 juillet 2012

PUBLICATION : La Mère Michel, nouvelle érotique

J'ai le plaisir de vous informer que la nouvelle La Mère Michel figurera dans un recueil de cinq nouvelles érotiques intitulé Entre ses cordes, livre numérique à paraître en octobre 2012 aux éditions Dominique Leroy, dans la collection e-ros D/s.

Ce court texte sera en compagnie des nouvelles de Christophe Collins, de Martine Roffinella, de Miss Kat et d'Ysalis K.S.


dimanche 1 juillet 2012

LECTURE : Le Principe anarchiste de Kropotkine


De passage sur la librairie Bookeen  (lire « bouquine »!), j'ai téléchargé quelques e-books gratuits en format ePub. Parmi ceux-ci, un texte de Kropotkine, Le Principe anarchiste, par les éditions de Londres (également disponible en format pdf). 
Une très jeune maison d'édition numérique qui se présente dans un style fleuri sur ce site http://editionsdelondres.com/ 
Après une édition de textes libres de droit, cette maison d'édition entend publier de nouveaux auteurs : de prochaines publications à suivre...

Page de Le Principe anarchiste
http://editionsdelondres.com/Le-principe-anarchiste

Un livre numérique très court, assorti d'une préface de la maison d'édition où figurent de nombreux liens hypertextuels (vers les éditions de Londes bien entendu) et d'une présentation de l'auteur réalisée par cette même maison d'édition, d'où la partialité des propos.

Délaissant en effet la vie de Kropotkine, les éditions de Londres, parlant d'elles-mêmes à la troisième personne, en viennent à l'anarcho-communisme avec cette métaphore :
« L’anarcho-communisme c’est pour certains l’anarchisme, pour d’autres, tels que les Editions de Londres, c’est une branche de l’anarchisme dont la juxtaposition au communisme alourdit tellement la branche qu’elle plie, se casse, et s’effondre dans un bruit de bois vert et mouillé. Il faut tout de même reconnaître que l’anarcho-communisme, cela ne sonne pas bien. »
Métaphore elle-même suivie d'une comparaison avec d'autres termes créés avec des mots antithétiques.
Une erreur syntaxique relevée dans cet avant-propos : pallier est en effet un verbe transitif direct.

Je passe sur l'introduction. L'essentiel étant le texte-même, « Le Principe anarchiste ».
Article publié en 1913 dans le journal Les Temps nouveaux, ce texte porte les marques du discours comme l'adresse au lecteur/auditeur : « Regardez autour de vous » ou des répétitions anaphoriques « Il (c'est à dire l'anarchiste) a à soutenir / il a à déjouer / il a à trouver, à deviner »). 
Un texte très court pour affirmer que l'anarchie est une philosophie, avec pour principe la liberté, face à toute forme de coercition. L'anarchie est seule face à tous.

Le passage le plus remarquable à mon avis :
« C’est que contre tous ces partis, les anarchistes sont seuls à défendre en son entier le principe de la liberté. Tous les autres se targuent de rendre l’humanité heureuse en changeant, ou en adoucissant la forme du fouet. S’ils crient « à bas la corde de chanvre du gibet », c’est pour la remplacer par le cordon de soie, appliqué sur le dos. Sans fouet, sans coercition, d’une sorte ou d’une autre, - sans le fouet du salaire ou de la faim, sans celui du juge ou du gendarme, sans celui de la punition sous une forme ou sur une autre, - ils ne peuvent concevoir la société. Seuls, nous osons affirmer que punition, gendarme, juge, faim et salaire n’ont jamais été, et ne seront jamais un élément de progrès ; et que sous un régime qui reconnaît ces instruments de coercition, si progrès il y a, le progrès est acquis contre ces instruments, et non pas par eux.
Voilà la lutte que nous engageons. Et quel jeune cœur honnête ne battra-t-il pas à l’idée que lui aussi peut venir prendre part à cette lutte, et revendiquer contre toutes les minorités d’oppresseurs la plus belle part de l’homme, celle qui a fait tous les progrès qui nous entourent et qui, malgré cela, pour cela même fut toujours foulée aux pieds ! »

Une prose portée par la force de conviction d'un homme.

lundi 25 juin 2012

LECTURE : L'Amante religieuse ou La Bête à Bondieu d'Edmonde Vergnes-Permingeat


Un groupe facebook de « livres voyageurs » vient de me permettre de découvrir un roman que je n'aurais très probablement jamais lu sans ce biais. C'est un des intérêts majeurs de ce groupe : permettre de découvrir des livres divers, peu ou pas médiatisés, car somme toute, que lisons-nous en-dehors de ces livres en tête de vente, affichés comme tels en librairie, évoqués par des magazines grand public ? Faire voyager les livres, les passer de main en main ou plutôt de lettre en lettre, car les services de la poste sont nécessaires à tous ces voyages, est tout à fait louable, et je loue cette idée et sa réalisation : je viens en effet d'avaler plus de quatre cents pages avec ce roman d'Edmonde Vergnes-Permingeat et j'en redemanderais volontiers tant cette lecture a été plaisante.



Une couverture très colorée, avec une illustration de Jean-Claude Mornard, et un titre intriguant m'ont attiré vers ce « roman humoristique », puisque L'Amante religieuse est ainsi désigné en première de couverture. 
Pour être humoristique, il l'est ! Les situations drolatiques s'enchaînent, les « bons mots » de Joseph et de son ami Doudou aussi, la bêtise des uns et des autres, Séraphine et sa sainte mère en tête, nous font rire aux éclats. 
Le rire, mais aussi l'ensemble de la comédie humaine : la duplicité des êtres qui sous couvert de religion s'adonnent aux pires bassesses, aux pires méchancetés, à des crimes, tout en justifiant leurs faits par une citation biblique fait froid dans le dos. Derrière de mielleuses paroles, l'hypocrisie est dévoilée par des apartés. Tartuffe n'est pas loin, les citations le prouvent, la théâtralisation des scènes également avec dialogues prononcés et réparties tues que l'auteur se plaît à nous transcrire en italique.
L'Amante religieuse ou La Bête à Bondieu est un roman d'Edmonde Vergnes-Permingeat que l'on peut trouver en vente sur cette page : http://www.thebookedition.com/edmonde-vergnes-permingeat-l-amante-religieuse-p-45131.html (où vous pourrez par ailleurs lire la quatrième de couverture). 

L'Amante religieuse est une lecture très agréable, on a peine à lâcher le livre une fois cette lecture commencée et je recommande volontiers ce roman !

vendredi 22 juin 2012

LECTURE : Pourquoi je n'aime pas Noël de Vincnet B et de Thomas Galley



Publication de décembre 2011 de la maison d'édition pure player Édicool qui possède sa propre librairie en ligne edicool-storePourquoi je n'aime pas Noël existe en trois formats numériques : pdf, epub, mobi. Deux textes, Le déconte de Nawel (de Vincnet B) et Parcours (de Thomas Galley) ainsi que des illustrations de Jeff Rolland, qui déconstruisent l'expression-cliché « magie de Noël ».



Les deux auteurs narrent en effet dans ce court livre les excellentes raisons qu'ils ont de ne pas aimer cette « fête ».

Vincnet B évoque une enfance difficile, l'argent en manque, les crises d'une famille : à deux ans, on ne se rend pas compte de la portée de ses mots et, lorsque ses deux frères dessinent un sexe aux anges accrochés dans le sapin, le narrateur reprend bouche en cœur le mot « bite ». C'est l'apocalypse ! Le précaire équilibre familial en est bousculé, à tel point que l'on ne s'étonnera pas que les uns et les autres prennent une autruche pour une dinde... Que le Père Noël soit si rouge ne peut que rappeler de mauvais souvenirs !

Thomas Galley procède quant à lui par petites touches énigmatiques. On entre dans son récit comme par effraction : un homme, une femme, le malaise qui s'installe, répercuté par les objets qui les environnent, le lave-vaisselle qui tourne quasiment à vide, le vertige provoqué par une ligne. La scène finale est écrite au conditionnel : nous ne devrions pas être présent sur les lieux, tout cela ne serait visible que si nous y étions... Une mise à distance du lecteur, poussé à collecter des pièces et à les assembler, qui pourrait déplaire à qui aime les récits sans reliefs. S'il n'en est rien, si le jeu fascinant du dévoilement partiel ne vous rebute pas, la nouvelle vous fera peut-être frissonner.

jeudi 17 mai 2012

LECTURE : Bande dessinée L'Embranchement de Mugby – d'après le conte de Charles Dickens par Rodolphe et Estelle Meyrand


Un très beau dessin (une réussite notamment en ce qui concerne les décors, à l'instar de l'image de couverture où les panneaux, les poteaux sont plantés comme des indications désuètes face à la solitude d'un homme perdu dans le brouillard), des phylactères rectangulaires, une économie de mots pour retracer le récit de Dickens et lui donner un nouveau souffle. 


Cette bande dessinée des éditions Delcourt destinée à la jeunesse est très réussie. On se laisse séduire par la spontanée et joyeuse Phoebe, on suit avec intérêt les voyages de « Barbox frères » et ses retours à Mugby, sa quête d'un ailleurs où il se sentirait chez lui, après avoir renoncé à une vie triste dans une entreprise qu'il dirigeait. Un très joli conte de Noël, qui se termine bien, évidemment, puisque « Barbox frères » trouve un foyer et une famille.

LECTURE : Bande dessinée Contes et récits vietnamiens


Dans ces six contes vietnamiens (Celui qui devint roi, Celui qui devint général, Celui qui devint un moustique, Celui qui devint paysan, Celui qui devint l'ami fidèle, Celui qui devint le roi des animaux), des personnages au visage allongé, fréquemment des animaux (la femme qui se change en moustique, le corbeau qui emmène les paysans sur une île couverte de richesses, les animaux du zodiaque qui se pressent pour que le gagnant devienne roi), une morale fréquente (mais loin parfois de la morale traditionnelle, comme lorsque le rat termine en premier la course grâce à la ruse). 



Les récits s'enchaînent sans réelle séparation des contes, ce qui est préjudiciable à la facilité de lecture. Le volume se présente tout de même sous l'étiquette des albums jeunesse des éditions Delcourt... Un autre point négatif, surtout chez de jeunes lecteurs, provient des caractères typographiques : des signes proches d'une écriture asiatique, assez difficiles à déchiffrer. Les titres des contes sont assez artificiels, ne reflètent qu'une portion tronquée du récit : Celui qui devint paysan par exemple, montre deux frères et leur femme. Le premier couple jouit de richesses, tandis que le deuxième cultive la terre mais perçoit plus de richesses que le premier. C'est ainsi que le premier couple prend les travaux agricoles à son compte, l'année suivante, mais meurt à cause de sa cupidité.

mardi 8 mai 2012

LECTURE : L'Ordre moins le pouvoir de Normand Baillargeon


Les éditions Agone orientent leurs publications vers la sociologie, la littérature, la philosophie, l'histoire et la critique sociale. Ou peut-être faudrait-il mettre en premier lieu la critique sociale, par le biais de la sociologie, la littérature, etc. En l'occurrence, avec L'Ordre moins le pouvoir - Histoire & actualité de l'anarchisme de Normand Baillargeon, il s'agit d'histoire politique.


L'Ordre moins le pouvoir - Histoire & actualité de l'anarchisme est une introduction à l'anarchisme, sa définition en introduction, ses principaux courants, ses principaux théoriciens, son histoire, différents thèmes mis en exergue (économie, écologie, féminisme, éducation, médias...). En un peu plus de deux cents pages, l'auteur, Normand Baillargeon, défini en quatrième de couverture comme « militant anarchiste », retrace les grandes lignes des mouvements anarchistes (le pluriel est important car les formes de l'anarchisme sont nombreuses : anarchismes individualistes, mutualistes, fédéralistes, communistes, et même, le (sic) mentionné après le terme est là pour nous faire remarquer l'usage usurpé du terme anarchisme dans ce cas, l'anarcho-capitalisme, qui n'est que libéralisme exacerbé sans humanité).

L'anarchisme se définit étymologiquement comme [an-] (privatif), [archos] (pouvoir, commandement ou autorité) ; il est donc littéralement, l'absence de pouvoir ou d'autorité. Ce qui ne signifie ni confusion ni désordre, si l'on admet simplement qu'il y a d'autres ordres possibles que celui qu'impose une autorité : voilà, exprimé le plus simplement possible, ce qu'affirme d'abord l'anarchisme. […] L'anarchisme est une théorie politique au cœur vibrant de laquelle loge l'idée d'anti-autoritarisme, c'est à dire le refus conscient et raisonné de toute forme illégitime d'autorité et de pouvoir. (pp. 22-23)
Tirant les conséquences aussi bien théoriques que pratiques de cet anti-autoritarisme, l'anarchisme est encore un amour passionné de la liberté et de l'égalité qui débouche sur la profonde conviction – je devrais plutôt dire sur l'espoir – que les relations librement consenties sont plus conformes à notre nature, qu'elles sont en définitive, seules aptes à assurer une organisation harmonieuse de la société et qu'elles constituent donc, en dernière analyse, le moyen le plus adéquat permettant de satisfaire ce que Kropotkine appelait « l'infinie variété des besoins et des aspirations d'un être civilisé ». (p. 24)

L'anarchisme est, à l'instar du titre qui met l'accent sur cet « ordre » nouveau, présenté comme volonté d'aller vers un autre mode de société et non comme destruction de la société actuelle, avec des modes de destruction violents que l'auteur considère comme une dérive. Le nihilisme ne construit rien, l'anarchisme propose des projets de société. On croit malheureusement que l'autorité fonde tout et il est difficile de concevoir un mode d'organisation sociale différent. Pourtant, des exemples prouvent que c'est possible : en Espagne notamment, avant la guerre civile, avec la CNT, l'anarcho-syndicalisme et ses unions locales, projets de communes libertaires défnis en 1936 au congrès de Saragosse, avec démocratie directe. L'histoire de l'anarchisme épouse l'histoire moderne et contemporaine (massacre de Haymarket, en 1886 à Chicago, la révolution russe de 1917,...)

Cette histoire de l'anarchisme se termine sur une perspective mitigée : certes, les mouvements anarchistes trouvent de nouveaux élans, mais se replient parfois dans des pratiques isolées, tournées vers elles-mêmes comme le « life-styl activism » (page 194 et suivantes) et sont souvent confrontés au problème de l'articulation d'un projet de vie qui éclairerait les pratiques à venir, mais aussi donneraient l'espoir de la possibilité d'une telle réalisation.

Il revient aux anarchistes de proposer de telles visions – valables pour la culture, le politique, la société – et de les diffuser dans une perspective non dogmatique et dans un esprit de tolérance, d'espoir et d'invitation à la discussion. Les anarchistes le faisaient à une époque où l'on peut légitimement soutenir que ceux auxquels ils s'adressaient n'avaient rien d'autre à perdre que leurs chaînes. Ce n'est plus le cas et ce type de travail, mené dans le même esprit mais cherchant des réponses aux questions et aux problèmes qui se posent aujourd'hui, n'en est plus que nécessaire. […] Elles aideront d'abord à répondre aux objections qu'inévitablement on soulève à l'endroit des positions anarchistes. Elles aideront encore à préciser et à articuler de manière plus cohérente les valeurs défendues par l'anarchisme. Elles permettront enfin, et c'est sans aucun doute là le plus important, de proposer à l'action militante des objectifs désirables, proches ou lointains, mais dont on aura des raisons de penser qu'il est possible de les atteindre. (pages 198-199)

L'auteur s'implique dans cet ouvrage, nuançant l'intérêt de tel ou tel texte, distillant par moments son avis. Il rend le texte vivant, on perçoit ses convictions. En fin d'ouvrage, la bibliographie propose des pistes de lecture nombreuses, un choix personnel de l'auteur encore, auquel ce dernier ajoute des astérisques, « suggestion de bibliothèque de base consacrée à l'anarchisme ». Cette bibliographie est complétée par une filmographie, une liste de revues et une sitographie. L'ouvrage est, comme je l'ai écrit plus haut, une introduction, et nous ouvre les portes d'autres lectures, d'autres connaissances plus pointues. Il a un rôle premier, on ne peut que le conseiller pour une découverte de ce qu'est l'anarchisme, dans son aspect profondément humain.