jeudi 17 mai 2012

LECTURE : Bande dessinée L'Embranchement de Mugby – d'après le conte de Charles Dickens par Rodolphe et Estelle Meyrand


Un très beau dessin (une réussite notamment en ce qui concerne les décors, à l'instar de l'image de couverture où les panneaux, les poteaux sont plantés comme des indications désuètes face à la solitude d'un homme perdu dans le brouillard), des phylactères rectangulaires, une économie de mots pour retracer le récit de Dickens et lui donner un nouveau souffle. 


Cette bande dessinée des éditions Delcourt destinée à la jeunesse est très réussie. On se laisse séduire par la spontanée et joyeuse Phoebe, on suit avec intérêt les voyages de « Barbox frères » et ses retours à Mugby, sa quête d'un ailleurs où il se sentirait chez lui, après avoir renoncé à une vie triste dans une entreprise qu'il dirigeait. Un très joli conte de Noël, qui se termine bien, évidemment, puisque « Barbox frères » trouve un foyer et une famille.

LECTURE : Bande dessinée Contes et récits vietnamiens


Dans ces six contes vietnamiens (Celui qui devint roi, Celui qui devint général, Celui qui devint un moustique, Celui qui devint paysan, Celui qui devint l'ami fidèle, Celui qui devint le roi des animaux), des personnages au visage allongé, fréquemment des animaux (la femme qui se change en moustique, le corbeau qui emmène les paysans sur une île couverte de richesses, les animaux du zodiaque qui se pressent pour que le gagnant devienne roi), une morale fréquente (mais loin parfois de la morale traditionnelle, comme lorsque le rat termine en premier la course grâce à la ruse). 



Les récits s'enchaînent sans réelle séparation des contes, ce qui est préjudiciable à la facilité de lecture. Le volume se présente tout de même sous l'étiquette des albums jeunesse des éditions Delcourt... Un autre point négatif, surtout chez de jeunes lecteurs, provient des caractères typographiques : des signes proches d'une écriture asiatique, assez difficiles à déchiffrer. Les titres des contes sont assez artificiels, ne reflètent qu'une portion tronquée du récit : Celui qui devint paysan par exemple, montre deux frères et leur femme. Le premier couple jouit de richesses, tandis que le deuxième cultive la terre mais perçoit plus de richesses que le premier. C'est ainsi que le premier couple prend les travaux agricoles à son compte, l'année suivante, mais meurt à cause de sa cupidité.

mardi 8 mai 2012

LECTURE : L'Ordre moins le pouvoir de Normand Baillargeon


Les éditions Agone orientent leurs publications vers la sociologie, la littérature, la philosophie, l'histoire et la critique sociale. Ou peut-être faudrait-il mettre en premier lieu la critique sociale, par le biais de la sociologie, la littérature, etc. En l'occurrence, avec L'Ordre moins le pouvoir - Histoire & actualité de l'anarchisme de Normand Baillargeon, il s'agit d'histoire politique.


L'Ordre moins le pouvoir - Histoire & actualité de l'anarchisme est une introduction à l'anarchisme, sa définition en introduction, ses principaux courants, ses principaux théoriciens, son histoire, différents thèmes mis en exergue (économie, écologie, féminisme, éducation, médias...). En un peu plus de deux cents pages, l'auteur, Normand Baillargeon, défini en quatrième de couverture comme « militant anarchiste », retrace les grandes lignes des mouvements anarchistes (le pluriel est important car les formes de l'anarchisme sont nombreuses : anarchismes individualistes, mutualistes, fédéralistes, communistes, et même, le (sic) mentionné après le terme est là pour nous faire remarquer l'usage usurpé du terme anarchisme dans ce cas, l'anarcho-capitalisme, qui n'est que libéralisme exacerbé sans humanité).

L'anarchisme se définit étymologiquement comme [an-] (privatif), [archos] (pouvoir, commandement ou autorité) ; il est donc littéralement, l'absence de pouvoir ou d'autorité. Ce qui ne signifie ni confusion ni désordre, si l'on admet simplement qu'il y a d'autres ordres possibles que celui qu'impose une autorité : voilà, exprimé le plus simplement possible, ce qu'affirme d'abord l'anarchisme. […] L'anarchisme est une théorie politique au cœur vibrant de laquelle loge l'idée d'anti-autoritarisme, c'est à dire le refus conscient et raisonné de toute forme illégitime d'autorité et de pouvoir. (pp. 22-23)
Tirant les conséquences aussi bien théoriques que pratiques de cet anti-autoritarisme, l'anarchisme est encore un amour passionné de la liberté et de l'égalité qui débouche sur la profonde conviction – je devrais plutôt dire sur l'espoir – que les relations librement consenties sont plus conformes à notre nature, qu'elles sont en définitive, seules aptes à assurer une organisation harmonieuse de la société et qu'elles constituent donc, en dernière analyse, le moyen le plus adéquat permettant de satisfaire ce que Kropotkine appelait « l'infinie variété des besoins et des aspirations d'un être civilisé ». (p. 24)

L'anarchisme est, à l'instar du titre qui met l'accent sur cet « ordre » nouveau, présenté comme volonté d'aller vers un autre mode de société et non comme destruction de la société actuelle, avec des modes de destruction violents que l'auteur considère comme une dérive. Le nihilisme ne construit rien, l'anarchisme propose des projets de société. On croit malheureusement que l'autorité fonde tout et il est difficile de concevoir un mode d'organisation sociale différent. Pourtant, des exemples prouvent que c'est possible : en Espagne notamment, avant la guerre civile, avec la CNT, l'anarcho-syndicalisme et ses unions locales, projets de communes libertaires défnis en 1936 au congrès de Saragosse, avec démocratie directe. L'histoire de l'anarchisme épouse l'histoire moderne et contemporaine (massacre de Haymarket, en 1886 à Chicago, la révolution russe de 1917,...)

Cette histoire de l'anarchisme se termine sur une perspective mitigée : certes, les mouvements anarchistes trouvent de nouveaux élans, mais se replient parfois dans des pratiques isolées, tournées vers elles-mêmes comme le « life-styl activism » (page 194 et suivantes) et sont souvent confrontés au problème de l'articulation d'un projet de vie qui éclairerait les pratiques à venir, mais aussi donneraient l'espoir de la possibilité d'une telle réalisation.

Il revient aux anarchistes de proposer de telles visions – valables pour la culture, le politique, la société – et de les diffuser dans une perspective non dogmatique et dans un esprit de tolérance, d'espoir et d'invitation à la discussion. Les anarchistes le faisaient à une époque où l'on peut légitimement soutenir que ceux auxquels ils s'adressaient n'avaient rien d'autre à perdre que leurs chaînes. Ce n'est plus le cas et ce type de travail, mené dans le même esprit mais cherchant des réponses aux questions et aux problèmes qui se posent aujourd'hui, n'en est plus que nécessaire. […] Elles aideront d'abord à répondre aux objections qu'inévitablement on soulève à l'endroit des positions anarchistes. Elles aideront encore à préciser et à articuler de manière plus cohérente les valeurs défendues par l'anarchisme. Elles permettront enfin, et c'est sans aucun doute là le plus important, de proposer à l'action militante des objectifs désirables, proches ou lointains, mais dont on aura des raisons de penser qu'il est possible de les atteindre. (pages 198-199)

L'auteur s'implique dans cet ouvrage, nuançant l'intérêt de tel ou tel texte, distillant par moments son avis. Il rend le texte vivant, on perçoit ses convictions. En fin d'ouvrage, la bibliographie propose des pistes de lecture nombreuses, un choix personnel de l'auteur encore, auquel ce dernier ajoute des astérisques, « suggestion de bibliothèque de base consacrée à l'anarchisme ». Cette bibliographie est complétée par une filmographie, une liste de revues et une sitographie. L'ouvrage est, comme je l'ai écrit plus haut, une introduction, et nous ouvre les portes d'autres lectures, d'autres connaissances plus pointues. Il a un rôle premier, on ne peut que le conseiller pour une découverte de ce qu'est l'anarchisme, dans son aspect profondément humain.

mercredi 2 mai 2012

PUBLICATION : Le Candauliste, extrait


Le 10 avril dernier a été publié Le Candauliste. Je vous invite à lire un extrait de cette nouvelle :


Ses récits ont ensuite évolué afin que le voyeur soit sollicité. À la façon des pin up qui coincent malencontreusement leur jupe pour offrir un point de vue sur leurs jarretelles, elle se plaçait dans des situations délicates pour qu'un galant homme la secourût. J'étais invité à assister aux effleurements nécessaires, au palper un peu plus prononcé lorsqu'elle faisait mine de ne pas trouver ce toucher inconvenant. Je cédais ma place de jeune premier pour tenir celui de figurant, muet devant la hardiesse du contact et l'excitation visible de cet homme qu'Élodie décrivait en mots de plus en plus crus tout en me branlant.
Le sexe avec elle a pris des couleurs d'interdits, de trios envisagés, de voyeurisme, de jeux de langue entre femmes auxquels j'assistais, caché dans un placard, derrière l'entrebâillement d'une porte ou assis sur une chaise, entravé par des liens.
Les scènes sont devenues scabreuses. Dans ses scénarios, je regardais un homme la peloter dans le métro, frotter sa verge contre ses fesses, coulisser contre sa raie. Je l'observais de loin lorsqu'elle invitait du geste ce même homme à la suivre.
Son regard lubrique planté le mien, elle me répétait : « Dis-moi que ça t'excite. Tu aimes me savoir tripotée sous tes yeux. » Je ne pouvais pas le nier, j'avais une trique d'enfer.


mardi 1 mai 2012

LECTURE : La maîtresse a pleuré trois fois de Murielle Szac


La Maîtresse a pleuré trois fois. Hugo en comprend la raison : Martin n'est plus là, ne le sera peut-être plus jamais. Martin n'est pas le vrai prénom de ce garçon arrivé dans la classe. Il vient de Chine et ne parle pas français. Il vient de Chine et on décide de l'y renvoyer. Alors les parents protestent ou feignent de ne rien voir, Hugo est spectateur de tout ce qui se déroule autour de lui et se sent seul. Tout ce qu'il souhaite, c'est la présence de son ami.

Ce petit roman pour jeunes lecteurs (dès six ans) aux éditions Thierry Magnier ne propose aucune illustration. Se confronter aux mots seuls n'est pas aisé à cet âge, c'est le point difficile pour qu'un enfant le prenne en main. 
L'histoire prend en compte le point de vue d'un enfant, dans ce qui le touche, dans ce qui l'effraie. 
La Maîtresse a pleuré trois fois est une très belle histoire que nous raconte Muriel Szac, auteur jeunesse, également directrice de la collection Ceux qui ont dit non aux éditions Actes Sud. Un petit roman de société pour faire réfléchir des enfants, avant d'autres récits de Muriel Szac destinés à de plus grands...

Un avis sur le livre :