Publié aux éditions Homnisphères en
2008, Ne pas perdre sa vie à la gagner a été réédité aux éditions du Croquant en 2010
avec quelques mises à jour. La quatrième de couverture est en
grande partie extraite de la conclusion de l'ouvrage.
Le livre est organisé en deux parties
qui correspondent l'une au titre, l'autre au sous-titre. Ainsi nous
trouvons : livre I : abolir le culte du travail, livre II :
garantir le revenu. Si la lecture de la première partie est fluide,
on ne peut pas en dire autant de la deuxième partie qui sert
notamment des calculs permettant de justifier la possibilité de
verser un revenu de citoyenneté à chacun.
Après la préface de Paul Ariès, une
citation de Robert Louis Stevenson (de Une apologie des oisifs)
qu'il me plaît de reprendre ici :
« Cette prétendue oisiveté, qui ne consiste pas à ne rien faire, mais à faire beaucoup de choses qui échappent au dogme de la classe dominante, a tout autant voix au chapitre que le travail. »
Car le travail est confondu avec le
travail salarié, avec l'aura que prend ce travail salarié puisque
certains y ont accès alors que d'autres ne le peuvent pas, pour la
valeur qu'il prend comme élément de socialisation, comme signe de
respectabilité. Un effort de définition s'impose. Le travail est
polysémique, il se trouve agrégé à des valeurs, il est sacralisé.
Il convient de détruire cette agrégation de sens, ce qui entrave
notre vision de ce qu'il est réellement (labeur, activité pénible)
pour mieux lutter contre son extension. Le travail pourrit notre vie.
La vision du travail évolue, il est
devoir, il est preuve de civilisation par rapport à la paresse du
sauvage. Alors que chacun travaillait pour gagner de quoi vivre et ne
cherchait pas à en faire davantage, les entrepreneurs (nous sommes
alors au XIXe siècle) contraignent les travailleurs à l'assiduité,
à une contrainte horaire, à la ponctualité, à la concentration
sur sa tâche... Mais pourquoi travailler plus que nécessaire ?
Inciter à la consommation devient une solution :
« c'est sur leur relative frugalité comme consommateurs qu'il faut agir pour les inciter au travail. En clair, il faut inciter les ouvriers à consommer plus que de raison, pour les inciter à travailler plus que de raison... »
Publicité et satisfaction de besoins en les
créant, satisfaction du besoin de reconnaissance sociale par le
biais d'objets de consommation.
Alors que les politiques pour l'emploi
s'enchaînent, que le chômage ne diminue pas pour autant, ne
faudrait-il pas s'interroger sur l'impasse de cette volonté que
chacun ait un emploi ? Si le chômage, en tant qu'oisiveté, est
la mère de tous les vices, le plein-emploi serait le remède. Mais
avec les avancées techniques (et donc le besoin moindre de
main-d'oeuvre), avec les délocalisations à échelle mondiale, il ne
peut y avoir que moins de travail. Le problème du chômage n'est pas
l'emploi mais la désacralisation du travail, l'existence hors du
travail.
« Au final, c'est moins le travail en tant que tel qui est en cause dans les ravages du chômage, que la vision que l'on en a aujourd'hui. Ce travail sacralisé dont on ne cesse de vanter les mérites et de louer les bienfaits. Ce travail considéré comme centre de la vie de l'individu et pilier de la société. » (p. 42)
« Si l'on remet en cause ce qui n'est en fait qu'une construction historique récente, on change aussi la condition du chômeur. Délesté de cette « valeur travail » au poids social trop écrasant, le chômeur peut parfaitement s'épanouir et trouver sa place au sein de la société à travers d'autres activités, hors du travail. Dès lors, la question même du chômage n'a plus lieu d'être, la dictature du Travail s'effaçant derrière la revalorisation de ces activités alternatives. » (p. 43)
Sous-titre de la partie « contre
le culte du travail » : « un travail inutile pour
une consommation futile ». Trop de travail pour trop de
production et trop de consommation, et trop de consommation
entraînent la nécessité de gagner plus d'argent et donc de
travailler davantage. Si l'on travaillait moins, on consommerait
moins et si on consommait moins, on travaillerait moins.
Or, le culte du travail est en réalité
un culte du travail à plein temps.
« S'il n'était ce culte du travail, continuerions-nous à turbiner de la sorte, quitte à revoir à la baisse nos habitudes de consommation ? » (p. 47)
Traduire en heures de travail le prix
d'une voiture est édifiant. Et quand on pense que la voiture, qui
peut coûter trois mois de salaire par an, sert principalement à se
rendre à son travail... La conclusion s'impose : on marche sur
sa tête. (L'exemple de la voiture se trouve p. 47)
Et finalement, si on pouvait vivre,
percevoir un salaire sans avoir obligation de travailler ?
« On objectera sans doute que la mise en place d'un revenu déconnecté du travail expose à un risque certain de désertion du marché du travail... Certes, et pour cause, dans une certaine mesure c'est précisément l'effet recherché ! » (p. 49)
Il ne s'agit
pas d'une « ode à la paresse mais plutôt d'un éloge du temps
libre et de la libre occupation de chacun » (p. 52)
Arrivé à la deuxième partie, je
trouve le livre moins intéressant. L'auteur y justifie le revenu de
citoyenneté, explique qu'il est sensé, doit toucher chacun,
individuellement, sans contrepartie, quelle que soit l'activité
choisie car il n'y a pas d'inutile au monde, il permet de réduire
des inégalités, abolit la contrainte du travail mais préserve
l'incitation car celui qui veut plus d'argent que ce revenu de
citoyenneté qui lui permettrait de vivre sans extra pourrait
toujours, s'il le souhaite, travailler à temps partiel ou à temps
plein, selon ses envies, et les travaux pénibles seraient encouragés
par une revalorisation salariale importante. Suivent des calculs :
des prestations sociales seraient maintenues, d'autres
disparaîtraient dans le revenu de citoyenneté, le coût de ce
revenu nécessiterait l'augmentation de la csg, etc.
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