Le roman À l'abri de rien d'Olivier Adam, publié initialement aux éditions de l'Olivier, est disponible en format de poche, aux éditions Points.
Une prose où l'on sent le personnage
principal à bout de souffle, notamment avec des énumérations sans
virgules lorsqu'il s'agit de nommer tous ces magasins du centre
commercial où les achats ne peuvent de toute manière pas se faire,
parce que le chômage, parce qu'un salaire bas, parce que la misère.
Et pourtant, existe une plus grande misère que cette petite vie
pavillonaire où les femmes s'ennuient, après avoir épousseté
leurs meubles, comblent le vide en parlant de leurs enfants, et cette
misère plus grande se côtoie mais on détourne les yeux des
« Kosovars », nommés ainsi sans distinction réelle
d'origine puisqu'ils viennent aussi bien d'Afghanistan, du Pakistan,
du Soudan...
- Pourquoi tu crois qu'ils l'avaient ouvert ce putain de centre à la Croix-Rouge ? Il y en a des centaines, Marie.
Je n'ai pas répondu. Qu'est-ce que j'aurais pu dire ? Jamais je n'avais réfléchi à ces choses. (page 91)
Marie passe d'un univers à l'autre, sa
famille avec son mari Stéphane si sensé et ses deux enfants, les
réfugiés avec la distribution des repas, le dispensaire, l'accueil
de nuit dans la maison d'Isabelle quand il fait trop froid alors même
que cette aide apportée est illégale. Marie et sa famille sont
confrontés au regard, aux critiques des autres. Marie est confrontée
à l'opposition de son mari. Elle abandonne sa vie familiale, trouve une raison de vivre dans cet au-dehors, dans la chaleur d'une
soirée où l'on chante et où l'on danse alors que le lendemain
peut-être les réfugiés sont interceptés alors qu'ils tentent de
fuir vers l'Angleterre, tabassés, humiliés...
- Nicolas il dit qu'il t'a vue avec les réfugiés, à midi.
Sa voix n'était qu'un murmure posé sur le silence et les embardées du dehors. J'ai serré ses mains tout contre mon ventre, ses bras m'enlaçaient et il a enfui son visage dans mon cou.
- Il dit ça, Nicolas ?
- Oui, et aussi que maintenant je vais avoir des maladies et qu'ils vont venir tout voler chez nous et aussi qu'ils vont te faire du mal.
- Il dit ça aussi ?
- Oui.
- Eh ben tu lui diras que c'est un petit con.
- C'est ce que je lui ai dit.
- C'est bien.
Je me suis retournée et son visage d'écureuil inquiet touchait le mien. Ses yeux fiévreux luisaient comme des flaques.
- Mais c'est vrai ? il a demandé.
- Quoi ?
- Que tu donnes de la soupe aux réfugiés ?
- Tu le dis pas à papa ?
- Non.
- Alors c'est vrai.
- Pourquoi faut pas le dire à papa ?
-Parce que je crois que ça lui plairait pas. Allez on dort, fais-moi un bisou. (pages 120-121)
Que l'on ne s'y trompe pas, le personnage
de Marie, narratrice, n'est pas du côté des opprimés contre ceux
qui oppriment. Pas de manichéisme dans ce roman. Chacun est composé
de bons et de mauvais sentiments, de courage et de lâcheté.
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